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AURORE

corps se forment, comme celles de l’âme, très rarement à la suite d’un seul manquement grossier à la raison du corps et de l’âme, mais généralement par d’innombrables petites négligences imperceptibles. — Celui qui, par exemple, jour par jour, à un degré insignifiant, respire trop faiblement, et aspire trop peu d’air dans les poumons, en sorte que, dans leur ensemble, il ne leur demande pas un effort suffisant et ne les exerce pas assez, finit par s’attirer une pneumonie chronique : dans un cas pareil, la guérison ne peut être atteinte autrement qu’en corrigeant, insensiblement, les mauvaises habitudes par des habitudes contraires et des petits exercices, en se faisant, par exemple, pour règle d’aspirer une fois tous les quarts d’heure, fortement et profondément (si possible en se couchant par terre à plat ; il faudrait alors se servir d’une montre à secondes qui sonne les quarts d’heure). Toutes ces cures sont lentes et minutieuses, et celui qui veut guérir son âme doit, lui aussi, songer à changer les plus petites habitudes. Certain adresse dix fois par jour une parole froide et mauvaise à son entourage et il s’en préoccupe fort peu, ne songeant surtout pas qu’au bout de quelques années il a créé, au-dessus de lui, une loi de l’habitude qui le force dès lors à indisposer son entourage dix fois par jour. Mais il peut aussi s’habituer à lui faire dix fois du bien ! —

463.

Le septième jour. — « Vous louez ceci comme mon œuvre ? Je n’ai fait qu’enlever de moi ce qui