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AURORE

qui ont été faites par l’humanité antique trouvaient leur force dans le fait que l’homme se trouvait à côté de l’homme et qu’aucune femme ne pouvait élever la prétention d’être pour l’homme l’objet de l’amour le plus proche et le plus haut, ou même l’objet unique, — comme l’enseigne le sentiment de la passion. Peut-être nos arbres ne poussent-ils pas si haut à cause du lierre et de la vigne qui s’y attachent.

504.

Concilier ! — Serait-ce donc la tâche des philosophes de concilier ce que l’enfant a appris avec ce que l’homme connaît par l’expérience ? La philosophie serait-elle la tâche des jeunes gens, puisque ceux-ci tiennent le milieu entre l’enfant et l’homme et ont des besoins moyens ? Il semblerait presque qu’il en soit ainsi si l’on considère à quels âges de la vie les philosophes ont maintenant coutume de créer leur conception : alors qu’il est trop tard pour la foi et trop tôt pour la science.

505.

Les hommes pratiques. — C’est à nous autres penseurs qu’appartient le droit de fixer le bon goût de toutes choses et de le décréter au besoin. Les gens pratiques nous l’empruntent et leur dépendance à notre sujet est infiniment grande ; c’est là le spectacle le plus ridicule que l’on puisse voir, bien qu’ils veuillent ignorer cette dépendance et qu’ils aiment à nous traiter, avec fierté, de gens qui manquent de sens pratique : ils iraient même jus-