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AURORE

qu’il n’en existait autrefois pendant de longs espaces de temps.

37.

Fausses conclusions que l’on tire de l’utilité. — Lorsque l’on a démontré la plus haute utilité d’une chose on n’a pas encore fait un pas pour expliquer l’origine de cette chose : ce qui veut dire que l’on ne peut jamais expliquer, par l’utilité, la nécessité de l’existence. Mais c’est précisément le jugement contraire qui a dominé jusqu’à présent — et jusque dans le domaine de la science la plus sévère. Les astronomes ne sont-ils pas allés jusqu’à prétendre que l’utilité (supposée) dans l’économie des satellites (— remplacer d’une autre façon la lumière affaiblie par une trop grande distance du soleil, pour que les habitants des astres ne manquassent pas de lumière —) était le but final de cette économie et en expliquait l’origine ? On se souviendra aussi du raisonnement de Christophe Colomb : la terre est faite pour l’homme, donc, s’il y a des contrées il faut qu’elles soient habitées. « Est-il possible que le soleil répande ses rayons sur le néant et que la veille nocturne des étoiles soit gaspillée pour des mers sans voies et des régions inhabitées ? »

38.

Les instincts transformés par les jugements moraux. — Le même instinct devient le sentiment pénible de la lâcheté, sous l’impression du blâme