son corps soit brûlé au milieu de ses livres, surtout des siens. Et si les forêts devenaient de plus en plus rares, ne serait-il pas temps de traiter les bibliothèques comme des matières combustibles, comme du bois, de la paille ou de la broussaille. La plupart des livres ne sont-ils pas nés des vapeurs et des fumées qui sortent du cerveau, qu’ils redeviennent donc vapeurs et fumées. Et, s’il n’y avait pas de feu en eux, que le feu les punisse ! Il serait, par conséquent, possible que, pour un siècle à venir, notre époque soit précisément considérée comme sœculum obscuram, parce que ses produits ont servi avec le plus d’empressement et le plus longtemps à se chauffer. Comme nous sommes donc heureux de pouvoir connaître encore ce temps ! Car, s’il y a un intérêt quelconque à s’occuper de son temps, il est heureux qu’on puisse le faire d’une façon aussi consciencieuse que possible, de telle sorte qu’on ne conservera aucun doute à son sujet. Et c’est précisément le cas de Schopenhauer.
Certes, le bonheur serait infiniment plus grand si cet examen pouvait aboutir à la constatation qu’il n’a jamais rien existé de plus fin et de plus riche en espérance que notre époque. Or, il y a actuellement, dans un coin quelconque du monde, par exemple en Allemagne, des gens naïfs qui se préparent à croire quelque chose de semblable, qui vont même jusqu’à affirmer sérieusement que, depuis quelques années, le monde a été amélioré et que celui qui élève, au sujet de l’existence, de sérieuses et sombres objections se voit démenti par les «faits». Car il en est ainsi selon eux: la fondation du nouvel empire allemand est le coup le plus décisif et