Page:Nietzsche - Considérations inactuelles, I.djvu/19

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éclate aussitôt de lui-même, le conduit à croire que cet accord est l’effet d’une « culture » . Mais le philistinisme systématique et triomphant, s’il n’est pas sans logique, ne constitue pas, de ce fait, une culture, même mauvaise ; il est au contraire l’opposé d’une culture, je veux dire une barbarie solidement établie. Car cette unité de type, qui saute aux yeux quand on passe en revue les gens cultivés de l’Allemagne actuelle, n’est unité que par la négation, consciente ou inconsciente, de toutes les formes et de toutes les lois fécondes au point de vue artistique, et qui sont la condition de tout style véritable. Il faut qu’un malheureux travers de l’esprit afflige le philistin cultivé, car il appelle civilisation ce qui en est précisément la négation, et, comme il procède logiquement, il finit par obtenir un groupement coordonné de ces négations, un système de non-culture auquel on pourrait même accorder une certaine « unité de style », en admettant toutefois que ce ne soit pas un non-sens de parler d’une barbarie qui aurait du style. Laisse-t-on le philistin décider librement entre un acte qui a du style et un acte qui n’en a pas, ce sera toujours ce dernier qu’il choisira et, en raison de la constance de ce choix, tous ses actes porteront uniformément la même estampille négative. Et cette estampille lui servira toujours à reconnaître le caractère de la « culture allemande » par lui patentée : dans tout ce qui ne la portera pas, il