Page:Nietzsche - Considérations inactuelles, I.djvu/21

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ginale. Existe-t-il un terrain, telle semblait être leur question, un terrain assez pur, assez intact, d’une sainteté assez virginale, pour que l’esprit allemand choisisse celui-là et point un autre, afin d’y construire sa maison ? Tout en posant cette question ils parcouraient le désert et les broussailles des temps misérables et des conditions étroites ; et, dans leurs investigations, ils échappaient à nos yeux, de sorte que l’un d’eux a pu dire au nom de tous, à un âge très avancé : « Pendant un demi-siècle j’ai pris beaucoup de peine et ne me suis accordé aucun délassement, mais sans cesse j’ai cherché et agi, autant et aussi bien que je le pouvais. »

Quelle est l’opinion de notre culture de philistins sur ces chercheurs ? — Elle les considère tout simplement comme des gens qui ont trouvé quelque chose et elle semble oublier qu’ils ne se considéraient eux mêmes que comme des chercheurs. Nous possédons notre culture, disent les philistins, car nous possédons nos « classiques » qui en sont le fondement, et l’édifice qui s’appuie sur ce fondement est déjà terminé, lui aussi, car nous sommes cet édifice. Et, tout en parlant ainsi, les philistins portent la main à leur propre front.

Mais pour ainsi mal juger les classiques allemands et pour pouvoir les vénérer en les insultant de la sorte, il faut les avoir oubliés complètement. C’est ce qui est généralement le cas. Car autrement