Page:Nietzsche - Considérations inactuelles, I.djvu/12

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élevée à une dignité presque sacro-sainte ; c’est pourquoi elle parle sur un ton solennel, elle affectionne les apostrophes au peuple allemand, elle publie ses propres « œuvres complètes » à la façon des classiques, et proclame aussi, dans les organes qu’elle a à son service, que quelques-uns de ceux qui se trouvent dans son sein sont véritablement les nouveaux classiques allemands et les écrivains modèles. On pourrait peut-être s’attendre à ce que les dangers d’un pareil abus du succès soient reconnus par la partie instruite et réfléchie des intellectuels de l’Allemagne, ou à ce que l’on sente du moins ce qu’un pareil spectacle offre de pénible. Car, peut-on imaginer spectacle plus pénible que de voir quelqu’un qui est contrefait se prélasser devant une glace, comme un coq qui échange avec son image des regards admiratifs. Mais la caste des savants aime à laisser faire ce qui se fait et il lui suffit de s’occuper d’elle-même, sans prendre sur elle le souci de l’esprit allemand. De plus, ses membres ont, au plus haut degré, la certitude que leur propre éducation est le fruit le plus beau et le plus mûr de l’époque, et même de toutes les époques. Ils ne comprennent pas le souci que peut inspirer la culture générale allemande, parce qu’ils se sentent, eux et le plus grand nombre de leurs semblables, bien au-dessus des préoccupations de cette espèce. L’observateur attentif, surtout lorsqu’il est étranger,