l’innocence de leur admiration, inventaient des fables sur la ressemblance de famille de la Religion
et de la Science. En réalité, il n’existe entre les religions et la science véritable ni parenté, ni amitié, ni
même inimitié : elles vivent sur des planètes différentes. Toute philosophie qui fait place dans l’obscurité de ses vues dernières à l’éclat d’une queue de
comète religieuse rend suspect en soi tout ce qu’elle
propose comme science : tout cela est également
de la religion, quoique sous le déguisement de la
science. — Au demeurant : si tous les peuples étaient
d’accord sur certaines matières religieuses, par
exemple l’existence d’un Dieu (ce qui, par parenthèse, n’est pas vrai dans l’espèce), cela ne serait
toujours qu’un argument contre ces matières affirmées, par exemple l’existence d’un Dieu : le consensus gentium et généralement hominum ne peut
équitablement servir de garant qu’à une bêtise. Au
contraire, il n’y a pas du tout de consensus omnium sapientium, à l’égard d’une seule matière, sauf
cette exception dont parle le vers de Goethe :
Tous les plus sages de tous les temps
Sourient et hochent la tête et sont d’accord pour dire ;
Folie, de s’entêter à l’amélioration des fous !
Enfants de la sagesse, ô tenez les sots
Juste pour des sots, ainsi qu’il convient !
Soit dit sans vers ni rime et appliqué à notre cas : le consensus sapientium consiste à tenir le consensus gentium pour une bêtise.