et de ses genoux vacillants ; ainsi le philosophe
professe des opinions d’ascétisme, d’humilité, de
sainteté, dans l’éclat desquelles sa propre figure est
enlaidie de la façon la plus odieuse. Cette torture
de soi-même, cette raillerie de sa propre nature,
ce spernere et sperni, à quoi les religions ont donné
tant d’importance, est proprement un très haut degré
de vanité. Toute la morale du Sermon sur la Montagne
est dans ce cas : l’homme éprouve une véritable
volupté à se faire violence par des exigences
excessives et à déifier ensuite ce quelque chose qui
commande tyranniquement dans son âme. Dans
toute morale ascétique, l’homme adore une partie
de soi comme une divinité et doit pour cela nécessairement
rendre les autres parties diaboliques.
L’homme n’est pas à toute heure également moral, c’est chose connut, si l’on juge sa moralité selon la capacité de détachement, de renoncement à soi-même qui mènent au grand sacrifice (lequel, persistant et tourné en habitude, s’appelle sainteté), c’est dans la passion qu’il est le plus moral ; l’émotion supérieure lui offre des mobiles tout nouveaux, desquels, calme et de sang-froid comme d’ordinaire, il ne se croirait peut-être jamais capable. Comment cela arrive-t-il ? Vraisemblablement par la proche parenté de tout ce qui est grand et détermine de