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HUMAIN, TROP HUMAIN


rapport à un ordre de choses supérieur : cette idée d’une signification inépuisable restait autour de l’édifice, pareille à un voile enchanté. La beauté n’entrait qu’accessoirement dans le système, sans intéresser essentiellement le sentiment foncier de sublimité sinistre, de consécration par le voisinage des dieux et la magie ; la beauté adoucissait extraordinairement l’horreur — mais cette horreur était partout la condition première. — Qu’est-ce pour nous maintenant que la beauté d’un édifice ? La même chose que le beau visage d’une femme sans esprit : quelque chose comme un masque.

219.

Origine religieuse de la musique moderne. — La musique pleine d’âme prend naissance dans le catholicisme régénéré après le concile de Trente, par Palestrina qui servit de résonance à l’esprit nouvellement éveillé, intime et profondément ému ; plus tard, avec Bach, aussi dans le protestantisme, dans la mesure où celui-ci avait été par les piétistes rendu plus profond et délivré de son caractère dogmatique originaire. La condition et la base nécessaires à ces deux créations est la possession d’une musique telle que l’âge de la Renaissance et de la pré-Renaissance l’avaient en propre, à savoir : cette étude savante de la musique, ce plaisir au fond scientifique qu’on prenait aux œuvres d’art de