Page:Nietzsche - Humain, trop humain (1ère partie).djvu/256

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
254
HUMAIN, TROP HUMAIN


mais toujours les mêmes, ses actions acquièrent une grande énergie ; si ces actions sont d’accord avec les principes des esprits serfs, elles sont approuvées et provoquent chez celui qui les fait le sentiment de la bonne conscience. Un petit nombre de motifs, une action énergique et une bonne conscience constituent ce que l’on nomme force de caractère. À l’homme de caractère tort manque la connaissance des multiples possibilités et directions de l’action ; son intelligence est dépendante, serve, puisqu’elle ne lui montre en un cas donné que deux possibilités tout au plus ; entre elles il doit alors faire nécessairement un choix conforme à toute sa nature, et il le fait facilement et vite, n’ayant pas à choisir entre cinquante possibilités. L’entourage éducateur veut rendre tout homme dépendant, en lui mettant toujours devant les yeux le plus petit nombre de possibilités. L’individu est traité par ses éducateurs comme s’il était, à la vérité, quelque chose de nouveau, mais devait devenir une réplique. Si l’homme apparaît d’abord comme quelque chose d’inconnu qui n’a jamais existé, il doit être réduit à quelque chose de connu, de déjà existant. Ce qu’on appelle bon caractère chez un enfant,c’est la preuve qu’il est serf du fait existant ; en se mettant du côté des esprits serfs, l’enfant, annonce d’abord son sens commun qui s’éveille ; mais en se fondant sur ce sens commun, il se rendra plus tard utile à son état ou à sa classe.