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HUMAIN, TROP HUMAIN


et nager dans la vie suivant une route propre, contre tous les courants, s’ils ne voyaient çà et là de leurs pareils vivre dans des conditions pareilles et ne leur prenaient la main dans la lutte, aussi bien contre le caractère ochlocratique de la demi-intelligence et de la demi-culture, que contre les tentatives faites à l’occasion pour établir une tyrannie avec l’aide de l’action des masses ? Les oligarques sont nécessaires les uns aux autres, ils ont leur plus grand plaisir les uns dans les autres, ils comprennent leurs signes d’intelligence — mais malgré tout chacun est libre, il combat et triomphe à son rang, préférant périr plutôt que de se soumettre

262.

Homère. — Le plus grand fait de la civilisation grecque reste toujours ceci, qu’Homère devint de si bonne heure panhellénique. Toute la liberté intellectuelle et humaine où parvinrent les Grecs revient à ce fait. Mais ce fut en même temps la fatalité propre de la civilisation grecque, car Homère aplanissait en centralisant et dissolvait les plus sérieux ; instincts d’indépendance. De temps en temps s’éleva du fond le plus intime de l’hellénisme la protestation contre Homère ; mais il resta toujours vainqueur. Toutes les grandes puissances spirituelles exercent, à côté de leur action libératrice, une autre action déprimante ; mais, à la vérité, cela fait une dif-