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HUMAIN, TROP HUMAIN

cette conception du siècle heureux à cet état où l’homme, après la tension violente de la chasse et de la guerre, s’abandonne au repos, étend ses membres, et entend bruire autour de lui les ailes du sommeil. C’est par un raisonnement faux que l’homme, conformément à cette vieille habitude, s’imagine que, maintenant encore, après des périodes entières de détresse et de peine, il peut goûter, à un degré et dans un temps proportionnels, cet état de bonheur.

472.

Religion et gouvernement. — Tant que l’État, ou, plus clairement, le gouvernement se sent établi tuteur au profit d’une masse mineure et se pose, à cause d’elle, la question de savoir si la religion est à maintenir ou à mettre de côté : il est extrêmement probable qu’il se déterminera toujours pour le maintien de la religion. Car la religion apaise la conscience individuelle dans les temps de perte, de disette, de terreur, de métiance, par conséquent, là où le gouvernement se sent hors d’état de faire directement quoi que ce soit pour l’adoucissement des souffrances morales de l’homme privé : il y a plus, même dans les maux généraux inévitables et surtout inéluctables (famines, crises pécuniaires, guerres), la religion assure une attitude de la masse tranquille, expectative, confiante. Partout où les lacunes nécessaires ou occasionnelles du