manière mystérieuse à faire frémir, l’abdication de
notre intelligence, de notre volonté personnelle :
pour arriver à l’essence par cette voie, que l’on devienne essentiel. Inversement, d’autres ont recueilli
tous les traits caractéristiques de notre monde de
l’apparence — c’est-à-dire de la représentation du
monde sortie d’erreurs intellectuelles et à nous
transmise par l’hérédité — et, au lieu d’accuser l’intelligence comme coupable, ont rendu responsable
l’essence des choses, à titre de cause de ce caractère réel très inquiétant du monde, et prêché l’affranchissement de l’Être. —
De toutes ces conceptions,
la marche constante et pénible de la science, célébrant
enfin une bonne fois son plus haut triomphe dans
une histoire de la genèse de la pensée, viendra à
bout d’une manière définitive, dont le résultat pourrait peut-être aboutir à cette proposition : ce que
nous nommons actuellement le monde est le résultat d’une foule d’erreurs et de fantaisies, qui sont
nées peu à peu dans l’évolution d’ensemble des êtres
organisés, se sont entrelacées dans leur croissance,
et nous arrivent maintenant par héritage comme un
trésor accumulé de tout le passé, — comme un trésor : car la valeur de notre humanité repose là-dessus. De ce monde de la représentation, la science
sévère peut effectivement délivrer seulement dans
une mesure minime — quoique cela ne soit pas
d’ailleurs à souhaiter, — par le fait qu’elle ne peut
rompre radicalement la force des habitudes antiques
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HUMAIN, TROP HUMAIN