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HUMAIN, TROP HUMAIN


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Envie et paresse en sens divers. — Les deux partis adversaires, le parti socialiste et le parti national — ou quels que soient les noms qu’ils portent dans les diverses contrées de l’Europe, — sont dignes l’un de l’autre : l’envie et la fainéantise sont, chez l’un comme chez l’autre, les puissances motrices. Dans l’un des camps, on veut travailler aussi peu que possible de ses bras, dans l’autre, aussi peu que possible de la tête ; dans le dernier on hait, on envie les individus éminents, qui grandissent en son sein, qui ne se laissent pas de bon cœur mettre en ligne et en rang pour une action en masse ; dans le premier, la caste de la société meilleure, établie dans des conditions matérielles plus favorables, dont la mission propre, la production des bienfaits supérieurs de la civilisation, rend intérieurement la vie d’autant plus pénible et douloureuse. Si l’on réussit, il est vrai, à faire de cet esprit d’action en masse l’esprit des classes élevées de la société, les bataillons socialistes seront absolument en droit de chercher à faire matériellement passer le niveau entre eux et ces classes, puisque moralement, dans la tête et dans le cœur, ils se croient déjà mutuellement au même niveau. — Vivez en hommes supérieurs et faites sans cesse les affaires de la civilisation supérieure, — alors tout ce qui y vit reconnaîtra vos droits, et l’ordre de la société, dont vous