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HUMAIN, TROP HUMAIN

tère essentiel, dont la force accumulée, ramassée, de l’homme fait s’est de nouveau rendue maîtresse. À cette remarque correspond cette autre, que toutes les fortes influences de passions, de maîtres, d’événements politiques, qui nous entraînent dans la jeunesse, paraissent ramenées plus tard à une mesure fixe : assurément, elles continuent de vivre et d’agir en nous, mais le sentiment et la pensée fondamentale n’en ont pas moins la prévalence et les emploient sans doute comme sources de force, mais non plus comme régulatrices, ainsi que cela se fait bien aux environs de la vingtième année. De même encore, la pensée et le sentiment de l’homme fait paraissent plus conformes à ceux de son âge enfantin — et ce fait intérieur a son expression dans les traits extérieurs que j’ai mentionnés.

613.

Son de la voix des âges. — Le ton sur lequel les jeunesgensparlent, louent, blâment, font des vers, déplaît aux gens plus âgés, parce qu’il est trop haut et néanmoins en même temps sourd et incertain comme le son poussé dans une salle voûtée, qui, à travers le vide, acquiert une telle force de résonance ; car la plupart de ce que les jeunes gens pensent n’a pas jailli du plein de leur propre nature, mais c’est une résonance, un écho de ce que l’on pense, dit, loue, blâme dans leur voisinage. Mais les sentiments (de sympathie et d’aversion) réson-