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HUMAIN, TROP HUMAIN

même de l’oublier : si bien qu’à l’auteur d’un livre, par exemple, on donne la plus grande avance et que d’abord, comme dans une course, on souhaite, le cœur palpitant, qu’il atteigne son but. Par ce procédé, on pénètre en effet la chose jusqu’au cœur, jusqu’à son point émouvant : et c’est ce qui s’appelle justement apprendre à connaître. Une fois là, le raisonnement fait après coup ses restrictions ; cette estime trop haute, cette suspension momentanée du pendule critique, n’était qu’un artifice pour prendre à la pipée l’âme d’une chose.

622.

Penser trop de bien et trop de mal du monde. — Qu’on pense trop de bien ou trop de mal des choses, on y trouve toujours l’avantage de recueillir une plus grande satisfaction : car avec une trop bonne opinion préconçue, nous mettons d’ordinaire plus de douceur dans les choses (les événements) qu’elles n’en contiennent réellement. Une trop mauvaise opinion préconçue cause une déception agréable : l’agrément qui de soi était dans les choses s’accroît de l’agrément de la surprise. — Un tempérament, sombre fera d’ailleurs dans l’un et l’autre cas l’expérience inverse.

623.

Hommes profonds. — Ceux qui ont leur force dans la profondeur des impressions — on les