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HUMAIN, TROP HUMAIN


arrive à sa conséquence fantaisiste de la soi-disant liberté intelligible. (Dans la naissance de cette fable, Platon et Kant ont parts égales de complicité.) Mais le regret après l’action n’a pas besoin d’être fondé en raison : même il ne l’est pas du tout, car il repose sur la supposition erronée que l’action n’aurait pas dû se produire nécessairement. En conséquence : c’est seulement parce que l’homme se tient pour libre, non parce qu’il est libre, qu’il ressent le repentir et le remords. — En outre, ce regret est chose dont on peut se déshabituer ; chez beaucoup d’hommes, il n’existe pas du tout pour des actes à propos desquels beaucoup d’autres hommes le ressentent. C’est une chose très variable, liée à l’évolution de la morale et de la civilisation, et qui peut-être n’existe que dans un temps relativement court de l’histoire du monde. — Personne n’est responsable de ses actes ; personne ne l’est de son être ; juger a la même valeur qu’être injuste. Cela est vrai aussi lorsque l’individu se juge lui-même. Cette proposition est aussi claire que la lumière du soleil, et cependant tout homme aime mieux alors retourner aux ténèbres et à l’erreur : par crainte des conséquences.

40.

Le sur-animal. — La bête en nous veut être trompée ; la morale est un mensonge nécessaire,