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HUMAIN, TROP HUMAIN


que, dans le même sens, il n’y a pas non plus de vertus ; que tout ce domaine d’idées morales est continuellement flottant, qu’il y a des conceptions plus élevées et plus basses du bien et du mal, du moral et de l’immoral. Qui ne demande aux choses rien de plus que de les connaître arrive aisément à vivre en paix avec son âme, et c’est tout au plus par ignorance, mais difficilement par concupiscence, qu’il errera (qu’il péchera, comme dit le monde). Il ne voudra plus excommunier et extirper les appétits ; mais son but unique, qui le domine entièrement, de connaître à tout moment aussi bien que possible, lui donnera du sang-froid et adoucira tout ce qu’il y a de sauvage dans sa nature. En outre, il s’est affranchi d’une foule d’idées torturantes, il n’est plus impressionné des mots de peines de l’enfer, d’état de péché, d’incapacité du bien : il n’y reconnaît que les ombres évanouissantes de conceptions du monde et de la vie qui sont fausses.

57.

La morale considérée comme une autotomie de l’homme. — Un bon auteur, qui met réellement du cœur à son sujet, souhaite que quelqu’un vienne le réduire lui-même à néant, en exposant plus clairement le même sujet et en donnant une réponse définitive à tous les problèmes qu’il com-