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Page:Nietzsche - Humain, trop humain (2ème partie).djvu/150

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HUMAIN, TROP HUMAIN, DEUXIÈME PARTIE



237.

Le voyageur en montagne se parle à lui-même. — Il y a des indices certains à quoi tu reconnaîtras que tu as fais du chemin et que tu es monté plus haut : l’espace est maintenant plus libre autour de toi, et ta vue embrasse un horizon plus vaste que celui que tu voyais avant, l’air est plus pur, mais aussi plus doux — car tu n’as plus la folie de confondre la douceur et la chaleur, — ton allure est devenue plus vivo et plus ferme, le courage et la circonspection se sont fondus : — pour toutes ces raisons ta route sera peut-être maintenant plus solitaire et certainement plus dangereuse qu’elle ne l’a été jusqu’à présent, mais ce ne sera certainement pas dans la mesure qu’imaginent ceux qui t’ont vu monter, toi le voyageur, de la vallée brumeuse vers les montagnes.

238.

Excepté le prochain . — Il est manifeste que c’est seulement sur mon propre cou que ma tête ne tient pas bien, car je m’aperçois que tous les autres savent mieux que moi ce que je dois faire et ce que je ne dois pas faire : pauvre homme que je suis, je ne sais pas me donner de conseils à moi-même ! Ne sommes-nous pas tous pareils à des statues à qui l’on a mis, des têtes qui ne leur appartenaient pas ? N’est-ce pas, mon cher voisin ? — Mais non, toi seul tu fais exception.