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Page:Nietzsche - Humain, trop humain (2ème partie).djvu/16

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HUMAIN, TROP HUMAIN

elle nous récompense déjà de tout regard attentif que lui jette notre reconnaissance, qui ne laisse échapper aucune offrande de la vie, fût-ce même la plus petite et la plus passagère. Elle nous rend en retour la plus grande offrande qu’elle puisse donner, — elle nous rend notre tâche. ——

6.

— Cet événement de ma vie — l’histoire d’une maladie et d’une guérison, car cela finit par une guérison — n’a-t-il été qu’un événement à moi personnel ? Cela n’a-t-il été que mon « humain, trop humain » ? Je suis tenté de croire aujourd’hui le contraire ; je commence à penser et je pense toujours plus que mes livres de voyage n’ont pas été rédigés pour moi seul, comme il me semble parfois. — Puis-je, après six ans d’une conviction toujours grandissante, les envoyer à nouveau s’essayer en route ? Puis-je recommander particulièrement de les prendre à cœur, à ceux qui s’affligent d’un « passé » et qui ont assez d’esprit de reste pour souffrir aussi de l’esprit de leur passé ? Mais avant tout à vous, qui avez la tâche la plus dure, hommes rares, intellectuels et courageux, vous les plus exposés de tous, qui devez être la conscience de l’âme moderne et, comme tels, posséder sa science, vous chez qui se rassemble tout ce qu’il peut y avoir aujourd’hui de maladies, de poisons, de dangers, — vous dont c’est la destinée d’être plus malades que n’importe quel individu, parce que vous n’êtes pas seulement des « individus »…, vous, dont c’est la consolation de connaître le chemin d’une santé nouvelle, et