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Page:Nietzsche - Humain, trop humain (2ème partie).djvu/231

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LE VOYAGEUR ET SON OMBRE

collectives transmises de loin et lentement renforcées, — ces moralistes diffèrent le plus de ceux avec qui on les confond le plus souvent : les esprits mesquins qui ne croient pas du tout à ces sentiments et à ces états d’âme et qui pensent cacher leur propre misère derrière l’éclat de la grandeur et de la pureté. Les moralistes disent : « il y a là des problèmes », et les gens mesquins disent : « il y a là des imposteurs et des duperies » : ils nient donc tout simplement l’existence de ce que ceux-là s’appliquent à expliquer.

21.

L’homme, celui qui mesure. — Peut-être pourrait-on ramener toute l’origine de la moralité des hommes à l’énorme agitation intérieure qui saisit l’humanité primitive lorsqu’elle découvrit la mesure et l’évaluation, la balance et la pesée. (On sait que le mot « homme » signifie celui qui mesure, il a voulu se dénommer d’après sa plus grande découverte !) Ces notions nouvelles l’élevèrent dans des domaines que l’on ne saurait ni mesurer ni peser, qui primitivement ne semblaient pas aussi inaccessibles.

22.

Principe de l’équilibre. — Le brigand et l’homme puissant qui promet à une communauté qu’il la protégera contre le brigand sont probablement tous deux des êtres semblables, avec cette seule différence que le second parvient à son avantage d’une autre façon que le premier, c’est-à-dire par