Page:Nietzsche - Humain, trop humain (2ème partie).djvu/254

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
254
HUMAIN, TROP HUMAIN, DEUXIÈME PARTIE

payer ses dettes », se prit à dire un vieux soldat lorsqu’on lui eut raconté un peu en détails l’histoire de Faust. « Faust doit aller en enfer ! » — « Vous êtes terribles, vous autres hommes ! s’écria sa femme. Comment est-ce possible ? Il n’a pas fait autre chose que de manquer d’encre dans son encrier ! Certainement c’est un péché que d’écrire avec du sang, mais ce n’est pas assez pour condamner un aussi bel homme à subir les tortures de l’enfer ! »

43.

Problème du devoir de la vérité. — Le devoir est un sentiment impérieux qui pousse à l’action, un sentiment que nous appelons bon et que nous considérons comme indiscutable (— nous ne parlons pas et il ne nous plaît pas que l’on parle de ses origines, de ses limites et de sa justification). Mais le penseur considère toute chose comme le résultat d’une évolution et tout ce qui est « devenu » comme discutable ; il est, par conséquent, l’homme sans devoir — tant qu’il n’est que penseur. Comme tel il n’accepterait donc pas non plus le devoir de considérer et de dire la vérité et il n’éprouverait pas ce sentiment ; il se demanderait : d’où vient-elle ? où va-t-elle ? — mais ces questions elles-mêmes sont considérées par lui comme problématiques. Or n’en résulterait-il pas que la machine du penseur ne fonctionnerait plus bien, s’il pouvait vraiment se considérer comme irresponsable, dans la recherche de la connaissance ? En ce sens on pourrait dire que, pour alimenter la