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LE VOYAGEUR ET SON OMBRE



90.

Déjà et encore. — A : La prose allemande est encore très jeune : Gœthe croit que c’est Wieland qui fut son père. — B : Si jeune et déjà si laide ! — C : Mais, si je suis bien informé, l’évêque Ulphilas écrivit déjà en prose allemande ; elle a donc déjà près de quinze cents ans. — B : Si vieille et encore si laide !

91.

Allemand original. — La prose allemande, ne s’étant pas formée selon un modèle, peut être considérée comme une production originale du goût allemand, et pourrait servir d’indication aux zélés promoteurs d’une culture originale allemande dans l’avenir, pour leur apprendre, par exemple, quel aspect aurait, sans imitation de modèles, un véritable costume allemand, une société allemande, une installation d’appartement allemande, un dîner allemand. — Quelqu’un qui avait longtemps réfléchi à ces perspectives finit par s’écrier plein de terreur : « Mais, au nom du ciel ! peut-être possédons-nous déjà cette culture originale, — on n’aime seulement pas à en parler ! »

92.

Livres interdits. — Ne jamais rien lire de ce qu’écrivent ces arrogants polymathes et esprits brouillons qui possèdent le plus horrible travers, celui du paradoxe logique : ils emploient les formes logiques justement aux endroits où tout est