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HUMAIN, TROP HUMAIN, DEUXIÈME PARTIE

Homère est convention aux trois quarts, et il en est ainsi de presque tous les artistes grecs, qui n’avaient aucune raison de s’adonner à la rage d’originalité qui est le propre des modernes. Ils n’avaient nulle crainte du conventionnel, c’était là un moyen pour entrer en communion avec leur public. Car les conventions sont des procédés pour l’entendement de l’auditeur, une langue commune péniblement apprise, au moyen de quoi l’artiste peut véritablement se communiquer. Surtout lorsque, comme les poètes et les musiciens grecs, il veut être immédiatement victorieux avec son œuvre d’art — étant habitué à lutter publiquement avec un ou deux rivaux —, c’est aussi la première condition pour être compris immédiatement : ce qui n’est possible que par la convention. Ce que l’artiste invente au delà de la convention, il l’ajoute de son propre chef et il s’y risque lui-même, au meilleur cas avec ce succès d’avoir créé une nouvelle convention. Généralement ce qui est original est regardé avec étonnement, parfois même adoré, mais rarement compris ; vouloir échapper avec opiniâtreté à la convention, c’est vouloir ne pas être compris. À quoi vise donc la folie d’originalité des temps modernes ?

123.

Affectation de la science chez les artistes. — Schiller croyait, avec quelques autres artistes allemands, que lorsque l’on a de l’esprit on a le droit de se livrer à l’improvisation sur toutes sortes de sujets difficiles. Nous avons donc ses compo-