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HUMAIN, TROP HUMAIN, DEUXIÈME PARTIE

les artistes du discours : ils veulent posséder moins que ne possède le peuple, — car c’est le peuple qui est le plus riche en choses anciennes et nouvelles — mais ce peu, ils veulent le posséder mieux. On en a vite fini d’énumérer leurs archaïsmes et leurs étrangetés, mais l’admiration est sans borne si l’on a de bons yeux pour voir la façon légère et douce dont ils approchent ce qu’il y a de quotidien et de très usé en apparence, dans les mots et les tours de phrase.

128.

Les auteurs tristes et les auteurs graves. Celui qui couche sur le papier ce qu’il souffre devient un auteur triste : mais il devient un auteur grave s’il nous dit ce qu’il a souffert et pourquoi il se repose maintenant dans la joie.

129.

Santé du goût. — D’où vient que la santé ne soit pas aussi contagieuse que la maladie, ceci d’une façon générale et surtout en matière de goût ? Ou bien y a-t-il des épidémies de santé ?

130.

Résolution. — Ne plus lire un livre qui, aussitôt qu’il est né, a été baptisé (avec de l’encre).

131.

Corriger la pensée. — Corriger le style — c’est corriger la pensée et rien de plus ! — Celui qui n’en convient pas du premier coup ne pourra jamais en être persuadé.