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HUMAIN, TROP HUMAIN, DEUXIÈME PARTIE

conclusion hâtive fait d’ailleurs honneur aux Allemands.

147.

Squelettes tatoués. — Les squelettes tatoués, ce sont les auteurs qui aimeraient remplacer ce qui leur manque de chair par des couleurs artificielles.

148.

Le style grandiloquent et ce qui lui est supérieur. — On apprend plus facilement à écrire avec grandiloquence qu’à écrire légèrement et simplement. Les raisons de cela se perdent dans le domaine moral.

149.

Sébastien Bach. — Lorsque l’on n’écoute pas la musique de Bach en connaisseur accompli et sagace du contre-point et de toutes les manières du style de la fugue, lorsque l’on se prive ainsi d’une véritable jouissance artistique, on l’écoutera tout autrement, avec l’état d’esprit d’un homme (pour employer avec Gœthe une expression magnifique) qui eût été présent au moment où Dieu créa le monde. C’est-à-dire que l’on sentira alors qu’il y a là quelque chose de grand qui est dans son devenir, mais qui n’est pas encore : notre grande musique moderne. Elle a déjà vaincu le monde en remportant la victoire sur l’Église, les nationalités et le contrepoint. Dans Bach il y a encore trop de christianisme cru, de germanisme cru, de scolastique crue ; il se trouve au seuil de la musique européenne