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Page:Nietzsche - Humain, trop humain (2ème partie).djvu/381

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LE VOYAGEUR ET SON OMBRE

dus se ressemblent plus qu’ailleurs, ou, du moins, on les traite comme s’ils étaient égaux ; ici l’on exige l’obéissance et l’on obéit sans comprendre : on ordonne, mais on se garde bien de convaincre ; ici les punitions sont peu nombreuses, mais leur petit nombre est plein de dureté et va souvent à l’extrême, au pire ; ici la trahison est regardée comme le plus grand crime, les plus courageux sont seuls à oser la critique des abus ; ici la vie a peu de prix, et l’ambition se manifeste souvent de telle sorte qu’elle met la vie en danger. — Quelqu’un qui entendra dire tout cela s’écriera sans hésiter : « C’est là l’image d’une société barbare, menacée de dangers. » Peut-être y aura-t-il quelqu’un pour ajouter : « C’est la description de Sparte. » Mais un autre prendra peut-être un air songeur et soutiendra que c’est là la description de notre militarisme moderne, tel qu’il existe au milieu de notre civilisation et de notre société si différentes — anachronisme vivant, image, comme je l’ai indiqué, d’une société barbare, menacée de danger, œuvre posthume du passé, qui, pour les rouages du présent, ne peut avoir que la valeur d’une entrave. — Mais il arrive parfois à la culture d’avoir le besoin le plus absolu d’une entrave : lorsqu’elle décline trop rapidement, ou bien, comme dans notre cas, lorsqu’elle s’élève trop rapidement.

280.

Plus de respect pour les compétences. — Avec la concurrence qui se fait dans le travail et parmi les vendeurs, c’est le public qui se fait juge du