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HUMAIN, TROP HUMAIN, DEUXIÈME PARTIE

la nourriture qu’ils transmettent : de plus, en récompense de leur médiation, ils demandent trop pour eux, de l’intérêt, de l’admiration, du temps, de l’argent et autre chose, dont on prive par conséquent les esprits originaux et producteurs. — Il faut toujours considérer le professeur comme un mal nécessaire, tout comme on fait du commerçant : un mal qu’il faut rendre aussi petit que possible. Les conditions défectueuses que l’on rencontre aujourd’hui en Allemagne ont peut-être leur raison principale dans le fait qu’il y a trop de gens qui veulent vivre, et bien vivre, du commerce (et qui cherchent par conséquent à abaisser autant que possible les prix du producteur et à élever ceux du consommateur, pour tirer avantage du dommage aussi grand que possible qu’ils subissent tous deux). De même on peut certainement chercher une des raisons de la misère des conditions intellectuelles dans le nombre exagéré des professeurs : c’est à cause d’eux que l’on apprend si peu et si mal.

283.

La contribution de l’estime. — Nous aimons à payer celui que nous connaissons et vénérons, qu’il soit médecin, artiste ou artisan, lorsqu’il a travaillé ou fait quelque chose pour nous, aussi cher que nous pouvons, souvent même au delà de notre fortune. Par contre nous payons un inconnu d’un prix aussi minime que possible. Il y a là une lutte où chacun conquiert ou se fait enlever un pouce de terrain. Dans le travail de celui que nous connaissons, il y a quelque chose que nous ne sau-