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Page:Nietzsche - Humain, trop humain (2ème partie).djvu/387

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LE VOYAGEUR ET SON OMBRE

quent à une « diminution graduelle des charges militaires ». Au contraire, ce n’est que lorsque ce genre de misère sera le plus grand que le genre de dieu qui seul pourra aider sera le plus près. L’arbre de la gloire militaire ne pourra être détruit qu’en une seule fois, par un seul coup de foudre : mais la foudre, vous le savez, vient des hauteurs.

285.

La propriété peut-elle être équilibrée par la justice ? — Lorsque l’on ressent fortement l’injustice de la propriété — la grande aiguille marque de nouveau cette heure au cadran du temps —, on nomme deux moyens pour y remédier : d’une part un partage égal de la fortune et, d’autre part, la suppression de la propriété et le retour de toute possession à la communauté. Ce dernier procédé est surtout selon le cœur de nos socialistes qui en veulent surtout à ce juif antique qui disait : « Tu ne déroberas point. » Selon eux le huitième commandement devrait au contraire être conçu dans ces termes : « Tu ne posséderas point ». — Dans l’Antiquité on fit souvent des tentatives conformes à la première recette, en petit il est vrai, mais pourtant avec un insuccès qui peut être plein d’enseignements pour nous. Il est facile de dire « des lots de terre égaux » ; mais combien d’amertume engendrent les séparations et les déchirements que ce partage rend nécessaires, et la perte de la vieille propriété vénérable, combien de piété offensée et sacrifiée ! On déracine la moralité lorsque l’on déracine les bornes qui séparent les terres. Et après