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HUMAIN, TROP HUMAIN, DEUXIÈME PARTIE

avoir derrière eux, non point des armées, mais des raisons d’utilité pratique. Alors seulement la politique extérieure sera liée inséparablement à la politique intérieure : tandis que maintenant encore cette dernière continue à courir après sa fière maîtresse et glane dans sa pitoyable besace les épis oubliés dans le chaume, après la moisson de l’autre.

293.

But et moyens de la démocratie. — La démocratie veut créer et garantir l’indépendance à un aussi grand nombre d’individus que possible, l’indépendance des opinions, de la façon de conduire et de gagner sa vie. Pour arriver à ce but, il lui faut contester le droit de vote tant à ceux qui ne possèdent absolument rien qu’à ceux qui sont véritablement riches : car ce sont là deux classes d’hommes qu’elle ne saurait tolérer et à la suppression desquels il lui faut sans cesse travailler, au risque de voir sa tâche remise toujours en question. De même il lui faut empêcher tout ce qui semble tendre à l’organisation de partis. Car les trois grands ennemis de l’indépendance, à ce triple point de vue, sont le pauvre diable, le riche et les partis. — Je parle de la démocratie comme de quelque chose qui existera dans l’avenir. Ce que l’on appelle ainsi aujourd’hui se distingue seulement des vieilles formes de gouvernement en ceci que l’on se sert de chevaux nouveaux : les routes sont encore les mêmes que par le passé et les roues du char aussi. — Avec cet attelage du bien public le danger est-il vraiment devenu moins grand ?