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Page:Nietzsche - L’Origine de la Tragédie.djvu/172

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L’ORIGINE DE LA TRAGÉDIE

En même temps, il sent combien une culture, basée sur le principe de la science, doit s’écrouler dès l’instant qu’elle devient illogique, c’est-à-dire qu’elle recule devant ses conséquences. Notre art proclame cette universelle détresse. C’est en vain que, par l’imitation, on s’appuie de toutes les grandes époques productrices ou des natures créatrices supérieures ; c’est en vain que, pour la consolation de l’homme moderne, on amoncèle autour de lui toute la « littérature universelle », et qu’on l’entoure des styles et des artistes de tous les temps, afin que, tel Adam au milieu des animaux, il leur puisse donner un nom, — il reste malgré tout l’éternel affamé, le « critique » sans joie et sans force, l’homme alexandrin qui est, au fond, un bibliothécaire et un prote, et qui perd la vue misérablement à la poussière des livres et aux fautes d’impression.

19.

On ne peut caractériser plus nettement la teneur intrinsèque de cette culture socratique qu’en la nommant la culture de l’opéra. Dans ce domaine, en effet, cette culture a révélé, avec une particulière naïveté, et son but et sa nature, et cela à notre stupéfaction, si nous comparons la genèse de l’opéra et les manifestations notoires de l’évolution de l’opéra avec les éternelles vérités apollinienne et diony-