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L’ORIGINE DE LA TRAGÉDIE

est qu’il accorde quelquefois mal à propos la prépondérance à la musique, par quoi disparaîtraient aussitôt fatalement le pathétique et la clarté du langage ; et pourtant, il se sent poussé par ailleurs à abandonner sa voix à l’entraînement musical et à la faire valoir avec virtuosité. Ici, le « poète » vient à son secours, en sachant lui ménager suffisamment les occasions d’accents lyriques, de répétitions de mots et de phrases, etc., qui permettent au chanteur de se reposer en ces endroits dans l’élément purement musical, sans prendre souci des paroles. Cette alternance de discours passionnés, expressifs, bien que chantés à moitié, et d’exclamations complètement chantées, qui est l’essence du stilo rappresentativo, les brusques fluctuations de cet effort qui s’évertue à agir, tantôt sur l’intelligence et l’imagination, tantôt sur le tréfonds musical de l’auditeur, tout cela est quelque chose de si absolument anti-naturel, de si profondément opposé aussi bien aux impulsions artistiques dionysiaques qu’à la tendance apollinienne, que l’on est obligé d’en conclure que le récitatif a trouvé son origine en dehors de tout instinct artistique. Il nous faut donc définir le récitatif comme un amalgame des interprétations épique et lyrique et, à coup sûr, en aucune façon comme une combinaison intime et stable impossible à réaliser à l’aide d’éléments aussi totalement disparates, au contraire, comme une espèce de mosaïque, l’agglutination la