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Page:Nietzsche - L’Origine de la Tragédie.djvu/192

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L’ORIGINE DE LA TRAGÉDIE

plus élémentaire, des plus naturels instincts nationaux, à un semblable débordement de la toute primitive et virile joie de combattre ? À chaque progrès marqué des impulsions dionysiaques, on a cependant toujours la sensation que cet affranchissement dionysien des entraves de l’individu se manifeste tout d’abord au préjudice des instincts politiques, en incitant à l’indifférence et même à l’hostilité à leur endroit, si certain qu’il soit, d’autre part, qu’Apollon, ordonnateur des états, est aussi le génie du principe d’individuation et que l’État et l’amour du foyer ne peuvent subsister sans l’assentiment de la personnalité individuelle. Pour sortir de l’état orgiastique, il n’y a pour un peuple qu’un chemin, celui du bouddhisme indien qui, pour être seulement supporté avec son aspiration passionnée vers le néant, exige ces rares conditions extatiques qui transportent au delà de l’espace, du temps et de l’individu ; de même que celles-ci nécessitent à leur tour une philosophie qui enseigne à surmonter, à l’aide d’une représentation imaginaire, le dégoût des états intermédiaires. Non moins fatalement, par ailleurs, la prépondérance absolue des instincts politiques entraîne un peuple dans la voie de la sécularisation la plus extrême, dont la plus grandiose expression, mais aussi la plus effrayante, est l’imperium romanum.

Placés entre l’Inde et Rome et acculés à un choix dangereux, les Grecs ont réussi, avec une classique