Page:Nietzsche - La Généalogie de la morale.djvu/104

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inspiré le dégoût pour la joie et l’innocence de l’animal, mais lui ont rendu la vie même insipide : — de sorte que parfois il se penche sur lui-même en se bouchant le nez et, avec le pape Innocent III, dresse d’un air morose le catalogue des infirmités de sa nature (« procréation impure, nutrition dégoûtante dans le sein de la mère, mauvaise qualité de la substance dont l’homme tire son développement, mauvaise odeur, sécrétion de salive, d’urine et d’excréments »). Aujourd’hui que l’on avance toujours la douleur comme premier argument contre l’existence, comme le problème le plus fatal de la vie, on fera bien de se rappeler le temps où l’on portait un jugement contraire, parce qu’on ne pouvait se passer de faire souffrir, y trouvant un attrait de premier ordre, un véritable appât pour la vie. Peut-être à cette époque — soit dit en manière de consolation pour les gens sensibles — la douleur ne faisait-elle pas aussi mal qu’à présent ; c’est ainsi du moins qu’un médecin qui a soigné des nègres a pu en conclure (— les nègres considérés comme représentants de l’homme préhistorique —), car, les ayant traités dans des cas d’inflammations internes d’une gravité extrême, d’une gravité telle qu’elle pousserait au désespoir les Européens les mieux