Page:Nietzsche - La Généalogie de la morale.djvu/114

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proportion qu’il s’est enrichi ; en fin de compte, on mesure même sa richesse au nombre de préjudices qu’il peut supporter sans en souffrir. Il n’est pas impossible de concevoir une société ayant conscience de sa puissance au point de se payer le luxe suprême de laisser impuni celui qui l’a lésée. « Que m’importent en somme mes parasites ? pourrait-elle dire alors. Qu’ils vivent et qu’ils prospèrent ; je suis assez forte pour ne pas m’inquiéter d’eux ! »… La justice qui a commencé par dire : « tout peut être payé, tout doit être payé », est une justice qui finit par fermer les yeux et par laisser courir celui qui est insolvable, — elle finit, comme toute chose excellente en ce monde, par se détruire elle-même. Cette autodestruction de la justice, on sait de quel beau nom elle se pare — elle s’appelle la grâce ; elle demeure, comme l’on pense, le privilège des plus puissants, mieux encore son « au-delà » de la justice.

11.

— Un mot ici contre des tentatives récentes pour chercher l’origine de la justice sur un tout autre terrain, — celui du ressentiment. Je dirai d’abord à l’oreille des psychologues, à supposer qu’il leur