Page:Nietzsche - La Généalogie de la morale.djvu/119

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en inventant des compromis qu’elle propose et impose même en certaines circonstances, soit enfin en donnant force de loi à certains équivalents des préjudices, à quoi dès lors on renverra les ressentiments contraires et réactifs — et cette mesure il la prend toujours quand il est assez fort pour cela — c’est l’intervention de la loi, l’explication sous forme d’ordre de ce qui, à ses yeux, est juste et permis, de ce qui est injuste et prohibé. En traitant, après l’institution de la loi, les actes arbitraires et les violations des individus ou des groupes comme des violations de la loi, comme des refus d’obéissance au pouvoir suprême, le pouvoir suprême détourne l’attention du subordonné des dommages (produits immédiats de ces violations) et arrive à la longue au but absolument opposé à celui que se propose la vengeance qui, elle, se place uniquement au point de vue de l’individu lésé et n’épouse que son intérêt : — dès lors l’œil est exercé à une appréciation toujours plus impersonnelle du fait incriminé, même l’œil de l’individu lésé lui-même (bien qu’en tout dernier lieu, comme je l’ai déjà fait remarquer). — Conséquemment ce n’est que depuis l’institution de la loi qu’il peut être question de « justice » et d’« injustice » (et non pas, comme le veut Dühring, depuis que