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Page:Nietzsche - La Généalogie de la morale.djvu/131

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ralement une gravité sèche et morne. Si nous nous reportons maintenant à ces milliers d’années qui précèdent l’histoire de l’homme, nous prétendrons hardiment que c’est précisément le châtiment qui a le plus puissamment retardé le développement du sentiment de culpabilité, — du moins chez les victimes des autorités répressives. Et ne négligeons pas de nous rendre compte que c’est l’aspect des procédures judiciaires et exécutives, qui empêche le coupable de condamner en soi son méfait et la nature de son action : car il voit commettre au service de la justice, commettre en bonne conscience, puis approuver la même espèce d’actions : savoir l’espionnage, la duperie, la corruption, les pièges tendus, tout l’art plein de ruses et d’artifices du policier et de l’accusateur, puis encore ces actions essentiellement criminelles qui n’ont même pas pour excuse la passion : le rapt, la violence, l’outrage, l’incarcération, la torture, le meurtre, tels qu’ils sont marqués dans les différentes sortes de châtiments, — tout cela n’est donc pas condamné par le juge et réprouvé en soi, mais seulement dans certaines circonstances et sous certaines conditions. La « mauvaise conscience », cette plante la plus étrange et la plus intéressante de notre flore terrestre, n’a pas sa