Page:Nietzsche - La Généalogie de la morale.djvu/139

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a commencé par un acte de violence, ne peut être menée à terme que par d’autres actes de violence, — que, par conséquent, l’ « État » primitif a dû entrer en scène avec tout le caractère d’une effroyable tyrannie, d’un rouage meurtrier et impitoyable, et continuer à se manifester ainsi, jusqu’à ce qu’enfin une telle matière brute d’un peuple encore plongé dans l’animalité soit non seulement pétrie et rendue maniable, mais encore façonnée. J’ai employé le mot « État » : il est aisé de concevoir ce que j’entends par là — une horde quelconque de blondes bêtes de proie, une race de conquérants et de maîtres qui, avec son organisation guerrière doublée de la force d’organiser, laisse, sans scrupules, tomber ses formidables griffes sur une population peut-être infiniment supérieure en nombre, mais encore inorganique et errante. Telle est bien l’origine de l’ « État » sur la terre : je pense qu’on a fait justice de cette rêverie qui faisait remonter cette origine à un « contrat ». Celui qui sait commander, celui dont la nature a fait un « maître », celui qui se montre puissant dans son œuvre et dans son geste — qu’importe à celui-là les traités ! Avec de tels éléments on ne peut pas compter, ils arrivent comme la destinée, sans cause, sans raison, sans égard, sans prétexte,