Page:Nietzsche - La Généalogie de la morale.djvu/156

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

préter la cause du mal — en ce temps-là ils ne prenaient pas sur eux le châtiment, mais, ce qui est plus noble, la faute…

24.

— Je termine en posant trois problèmes, on s’en doute bien. « Élève-t-on ici un idéal, ou en renverse-t-on un ? » me sera-t-il peut-être demandé… Mais vous êtes-vous jamais assez demandé vous-même à quel prix l’édification de tout idéal en ce monde a été possible. Combien pour cela la réalité a dû être calomniée et méconnue, combien on a dû sanctifier de mensonges, troubler de consciences, sacrifier de divinités. Pour que l’on puisse bâtir un sanctuaire, il faut qu’un sanctuaire soit détruit : c’est la loi — qu’on me montre un cas où elle n’a pas été accomplie !… Nous autres hommes modernes, nous sommes les héritiers d’une vivisection de consciences, d’un mauvais traitement exercé sur nous-mêmes à travers des milliers d’années : c’est là-dedans que nous avons le plus d’habitude, c’est peut-être pour nous une sorte de maîtrise, et nous y mettons, en tous les cas, notre raffinement, la perversion de notre goût. L’homme a trop long-