Page:Nietzsche - La Généalogie de la morale.djvu/210

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à être forts, dans certains cas à être terribles, — elle maintient dans son intégrité le type de l’homme robuste. Ce qui est à craindre, ce qui est désastreux plus qu’aucun désastre, ce n’est pas la grande crainte, mais le grand dégoût de l’homme, non moins que la grande pitié pour l’homme. Supposez qu’un jour les deux éléments s’unissent, aussitôt ils mettront au monde, immanquablement, cette chose monstrueuse entre toutes : la « dernière » volonté de l’homme, sa volonté du néant, le nihilisme. Et, en effet, tout est préparé pour cela. Celui qui pour sentir n’a pas seulement son nez, mais ses yeux et ses oreilles, devine, presque partout où il va aujourd’hui, l’atmosphère spéciale de la maison d’aliénés et de l’hôpital, — je parle, bien entendu, des domaines de culture de l’homme, de toute espèce d’« Europe » qu’il y a encore en ce monde. Les maladifs sont le plus grand danger de l’homme : et non les méchants, non les « bêtes de proie ». Les disgraciés, les vaincus, les impotents de nature, ce sont eux, ce sont les plus débiles qui, parmi les hommes, minent surtout la vie, qui empoisonnent et mettent en question notre confiance en la vie, en l’homme, en nous-mêmes. Comment lui échapper, à ce regard fatal qui vous laisse une pro-