Page:Nietzsche - La Généalogie de la morale.djvu/212

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est l’ambition de ces « inférieurs », de ces malades ! Et comme une telle ambition rend habile ! il faut admirer surtout l’habileté de faux monnayeurs que l’on met à imiter ici l’empreinte de la vertu, et même le cliquetis de la vertu, le son de l’or. Ils ont à présent complètement pris à bail la vertu, ces faibles, ces incurables, le fait n’est que trop certain : « Nous sommes les seuls bons, les seuls justes, s’écrient-ils, nous sommes les seuls homines bonæ voluntatis ». Ils passent au milieu de nous comme de vivants reproches, comme s’ils voulaient nous servir d’avertissements, — comme si la santé, la robustesse, la force, la fierté, le sentiment de la puissance étaient simplement des vices qu’il faudrait expier, amèrement expier : car, au fond, ils sont eux-mêmes prêts à faire expier, ils ont soif de jouer un rôle de bourreaux ! Parmi eux il y a quantité de vindicatifs déguisés en juges, ayant toujours à la bouche, une bouche aux lèvres pincées, de la bave empoisonnée qu’ils appellent « justice » et qu’ils sont toujours prêts à lancer sur tout ce qui n’a pas l’air mécontent, sur tout ce qui, d’un cœur léger, suit son chemin. Parmi eux ne manque pas non plus cette répugnante espèce de gens vaniteux, avortons menteurs qui veulent représenter les