Page:Nietzsche - La Généalogie de la morale.djvu/223

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rir. Une sorte de concentration et d’organisation des malades d’une part (— le mot « Église » en est la désignation la plus populaire), une sorte de mise en sécurité provisoire des mieux portants, des mieux charpentés d’autre part, donc un gouffre creusé entre les bien portants et les malades — et pendant longtemps ce fut tout ! Mais c’était déjà beaucoup ; c’était énorme !… [Dans cette dissertation, on le voit, je pars d’une hypothèse que, pour des lecteurs tels que ceux dont j’ai besoin, il est inutile de démontrer. La voici : l’ « état de péché » chez l’homme n’est pas un fait, mais seulement l’interprétation d’un fait, à savoir d’un malaise physiologique — ce malaise considéré à un point de vue moral et religieux qui ne s’impose plus à nous. — Que quelqu’un se sente « coupable » et « pécheur » ne prouve nullement qu’il le soit en réalité, pas plus que quelqu’un est bien portant parce qu’il se sent bien portant. Qu’on se souvienne donc des fameux procès de sorcellerie : à cette époque, les juges les plus clairvoyants et les plus humains ne doutaient pas qu’il n’y eût là culpabilité ; les « sorcières » elles-mêmes n’en doutaient pas, — et pourtant la culpabilité n’existait pas. Donnons à cette hypothèse une forme plus large : la « douleur psychique » elle-même ne passe