Page:Nietzsche - La Généalogie de la morale.djvu/245

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est le nom donné par le prêtre à la « mauvaise conscience » animale (de la cruauté tournée à rebours) — le péché est resté jusqu’à présent l’événement capital dans l’histoire de l’âme malade : il représente pour nous le tour d’adresse le plus néfaste de l’interprétation religieuse. L’homme souffrant à son propre sujet, pour une cause quelconque, physiologique certainement, à peu près comme une bête en cage, trouble, indécis, incertain des raisons et des causes, cherchant le pourquoi des choses — car les certitudes procurent des soulagements, — cherchant aussi des remèdes et des narcotiques, l’homme finit enfin par s’entendre avec quelqu’un qui connaît même ce qui est caché — et voici ! il obtient une indication, — son sorcier, le prêtre ascétique, lui donne la première indication sur la « cause » de sa « souffrance » : il doit la chercher en lui-même, dans une faute commise, dans le temps passé, il doit interpréter sa douleur elle-même comme un châtiment… Il a entendu, il a compris, le malheureux : maintenant il en est de lui comme de la poule autour de laquelle on a tracé une ligne. Il n’arrive plus à sortir de ce cercle de lignes : de malade, le voilà devenu « pécheur »… Dès lors, pour des milliers d’années, se dresse devant les yeux le spectacle