Page:Nietzsche - La Généalogie de la morale.djvu/253

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sonne ne s’en occupe et Dieu moins que personne. Pour finir ils veulent encore avoir « la couronne de la vie éternelle », ces petites gens de province. Pourquoi donc ? Dans quel but ? C’est d’une impudence qui n’a pas de nom. Un Pierre « immortel » : qui donc supporterait cela ? Ils ont un orgueil qui prête vraiment à rire : cela ne cesse de rabâcher ses affaires personnelles, ses sottises, ses tristesses, ses soucis mesquins, comme si l’Essence des choses était obligée de s’en préoccuper, cela n’est jamais las de mêler Dieu dans les plus petits chagrins où ils s’embourbent. Et ce perpétuel tutoiement de mauvais goût dans les rapports avec Dieu ! Cette familiarité judaïque, et non seulement judaïque, familiarité de la gueule et de la patte avec Dieu ! Il y a dans l’Asie orientale de petits « peuples païens » méprisés, dont ces premiers chrétiens auraient pu apprendre quelque chose en fait de tact dans la vénération ; ces peuples ne se permettent pas, les missionnaires chrétiens en font foi, de prononcer même le nom de leur dieu. Cela me paraît d’une délicatesse charmante : mais assurément c’est trop délicat, non pas seulement pour les premiers chrétiens : pour marquer l’opposition, qu’on se souvienne de Luther, le paysan le plus « éloquent » et le plus immodeste