Page:Nietzsche - La Généalogie de la morale.djvu/264

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ment et se dispose par exemple à fonder la philosophie « sur une base strictement scientifique », devra d’abord placer la tête en bas, non seulement la philosophie, mais même la vérité, ce qui serait un manque d’égard bien choquant envers deux personnes aussi vénérables !) Sans doute — et je laisse ici la parole à mon Gai Savoir (voyez livre V, aph. 344) — « l’homme véridique, véridique dans ce sens extrême et téméraire que suppose la foi dans la science, affirme par là sa foi en un autre monde que celui de la vie, de la nature et de l’histoire ; et dans la mesure où il affirme cet « autre monde », eh bien ! son antithèse, ce monde-ci, notre monde, ne devra-t-il pas le — nier ?… C’est toujours encore une croyance métaphysique sur quoi repose notre foi en la science, — nous aussi, nous autres penseurs d’aujourd’hui qui cherchons la connaissance, athées et antimétaphysiciens, nous aussi nous prenons encore notre ardeur à cet incendie qu’une croyance plusieurs fois millénaire a allumé, à cette foi chrétienne qui fut aussi la foi de Platon — que Dieu est la vérité et que la vérité est divine… Mais quoi, si précisément cela devenait de moins en moins digne de foi, si rien n’apparaissait plus comme divin, si ce n’est l’erreur,