Page:Nietzsche - La Généalogie de la morale.djvu/267

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est en son idéal, en niant tout son côté extérieur. Tous deux, la science et l’idéal ascétique, se tiennent sur le même terrain — je l’ai déjà donné à entendre : — ils se rencontrent dans une commune exagération de la valeur de la vérité (plus exactement : dans une croyance commune que la vérité est inestimable, incritiquable), et c’est ce qui fait d’eux nécessairement des alliés, — de sorte que, à supposer qu’on les combatte, c’est ensemble seulement qu’on peut les combattre et les mettre en question. Si l’on cherche à estimer la valeur de l’idéal ascétique, on est forcément amené à estimer la valeur de la science : c’est là un fait et il importe d’ouvrir l’œil et de dresser l’oreille à temps ! (L’art, soit dit en passant, car en un autre endroit je reviendrai un jour plus longuement sur ce point, — l’art sanctifiant précisément le mensonge et mettant la volonté de tromper du côté de la bonne conscience, est, par principe, bien plus opposé à l’idéal ascétique que la science : voilà ce que ressentit l’instinct de Platon, cet ennemi de l’art, le plus grand que l’Europe ait produit jusqu’à ce jour. Platon contre Homère : voilà l’antagonisme complet, réel : — d’un côté le fanatique de l’au-delà, le grand calomniateur de la vie ; de l’autre, son apologiste involontaire, la