Page:Nietzsche - La Généalogie de la morale.djvu/40

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entre les hommes des abîmes que même un Achille de pensée libre ne saurait franchir sans frissonner. Il y a, dès le principe, quelque chose de morbide dans ces aristocraties sacerdotales et dans leurs habitudes dominantes, hostiles à l’action, voulant que l’homme tantôt couve ses songes, tantôt soit bouleversé par des explosions de sentiments, — la conséquence paraît en être cette débilité intestinale et cette neurasthénie presque fatalement inhérentes aux prêtres de tous les temps. Et le remède préconisé par eux contre cet état morbide, comment ne pas affirmer qu’en fin de compte il s’est trouvé cent fois plus dangereux encore que la maladie dont il s’agissait de se débarrasser ? L’humanité tout entière souffre encore des suites de ce traitement naïf, imaginé par les prêtres. Il suffira de rappeler certaines particularités du régime diététique (privation de viande), le jeûne, la continence sexuelle, la fuite « dans le désert » (l’isolement à la Weir Mitchell, bien entendu sans la cure d’engraissement et de suralimentation qui le suit et qui constitue le remède le plus efficace contre toute hystérie de l’idéal ascétique). Joignez à cela la métaphysique sacerdotale hostile aux sens, qui rend paresseux et raffiné, l’hypnotisme par autosuggestion que pratiquent les prêtres à la manière