Page:Nietzsche - La Généalogie de la morale.djvu/58

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profonde qu’ils goûtent à toute destruction, à toutes les voluptés de la victoire et de la cruauté : — tout cela se résumait pour ceux qui en étaient les victimes, dans l’image du « barbare », de « l’ennemi méchant », de quelque chose comme le « Vandale ». La méfiance profonde, glaciale, que l’Allemand inspire dès qu’il arrive au pouvoir — et il l’inspire une fois de plus de nos jours — est encore un contrecoup de cette horreur insurmontable que pendant des siècles l’Europe a éprouvée devant les fureurs de la blonde brute germanique (— quoiqu’il existe à peine un rapport de catégories, et encore moins une consanguinité entre les anciens Germains et les Allemands d’aujourd’hui). J’ai déjà attiré l’attention sur l’embarras d’Hésiode lorsqu’il imagina la succession des âges de la civilisation et chercha à les représenter par l’or, l’argent et l’airain ; il ne put échapper autrement à la contradiction que lui offrait le monde homérique, aussi magnifique qu’horrible et brutal, qu’en divisant un âge en deux parties qu’il fit se succéder l’une à l’autre : — d’abord l’âge des héros et des demi-dieux de Troie et de Thèbes, tel que ce monde était demeuré dans l’imagination des races aristocratiques qui voyaient dans ces héros leurs propres aïeux ; ensuite, l’âge d’ai-