Page:Nietzsche - La Généalogie de la morale.djvu/8

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2.

Mes idées sur l’origine de nos préjugés moraux — car tel est le sujet de cette œuvre de polémique — ont trouvé leur première expression laconique et provisoire, dans ce recueil d’aphorismes qui porte le titre : Humain, trop humain. Un livre pour les esprits libres. J’ai commencé à l’écrire à Sorrente, au cours d’un hiver où il me fut donné de m’arrêter, comme s’arrête le voyageur, pour embrasser d’un coup d’œil tout ce pays vaste et dangereux, parcouru par mon esprit. Cela se passait pendant l’hiver de 1876 à 1877 ; les idées elles-mêmes sont de date plus ancienne. C’étaient déjà, dans les grandes lignes, les mêmes idées que je reprends dans les présents traités : — espérons que ce long intervalle leur aura profité, qu’elles auront gagné en maturité, en clarté, en solidité, en perfection ! Le fait que je m’en tiens encore à elles, que depuis lors elles se sont resserrées toujours davantage, jusqu’à se fondre et à s’enchevêtrer, ce fait fortifie en moi la joyeuse assurance qu’elles n’ont pas pris naissance d’une façon isolée, au gré du hasard, sporadiquement, mais qu’elles ont poussé d’une